Surry était franchement énervé, il s’était disputé quelques jours auparavant avec un mec … La routine quoi ! Rien de bien grave. Le jeune homme se retrouvait souvent mêlé à une bagarre, notamment quand il draguait une femme sans savoir que son copain ou pire, son mari, se tenait à côté d’elle. Mais cette fois, Surry avait été interpellé par un barré sur son lieu de travail. S’il y avait bien quelque chose que le scientifique ne voulait pas, c’était perdre sa place ! C’était la seule chose dans sa vie qui lui tenait à cœur. Au zoo, il se sentait utile et il avait une place qui lui permettait d’être en bonne situation pour militer pour l’écologie. Depuis la mort de ses amis, il avait reporté son attention et par intermédiaire, sa frustration, sur l’environnement. Que quelqu’un mette son ambition en péril, ça l’avait vraiment mis mal !

Mais le pire était sans doute la cause de cette prise de tête ! Jamais Surry n’avait été aussi amusé par l’énervement de quelqu’un. Ce mec - qui au départ devait venir pour filmer gentiment, se taire et rentrer sagement chez sa mère – l’avait carrément agressé en lui lâchant qu’il avait dragué son mec. Surry n’avait pas pu garder son sérieux face à ça ! Sincèrement, un mec complètement barjot qui débarque en le menaçant juste parce que soit disant il aurait dragué un autre gars. Surry n’avait rien contre les homosexuels, l’un de ses meilleurs amis l’était et ça n’avait jamais posé un quelconque souci à Surry ! Mais lui, il ne jouait pas dans cette équipe … Bref tout ça pour dire qu’il s’était battu sur son lieu de travail. Autant dire qu’il avait été bien réprimandé et que ça lui mettait sérieusement la rage toute cette histoire.

Ce matin encore, il était sur les nerfs. Depuis qu’il avait eu un avertissement au boulot, Surry n’avait plus envie de rien ! Il n’était même pas sorti … Il n’avait vu ni Harper ni aucune autre. Il avait juste envie que tout ça se tasse et que sa rancune légendaire se calme. Le jeune homme avait donc enfilé un short noir et un marcel blanc. Il avait enfilé ses chaussures et avait quitté la maison sans prendre de veste. En Australie, il faisait bien assez chaud pour se balader sans manches et ne pas risquer d’attraper froid. Surry était arrivé au zoo et avait salué quelques connaissances, s’armant d’un sourire un peu forcé mais pas tout à fait faux.

« Salut Surry ! Tu pourrais aller chercher la nourriture des perroquets ? Je crois qu’ils n’en ont plus ! »

Ces oiseaux multicolores faisaient partie des spécimens que le jeune homme devait étudier, il ne rechigna donc pas et acquiesça d’un hochement de tête. La réserve était un peu plus loin dans le zoo, éloignée de tout le reste, ce qui au fond était assez logique ! Imaginez que la réserve à nourriture soit toute proche des enclos, non seulement l’odeur risquait de rendre fous les animaux mais en plus, il y aurait toujours un touriste ou deux pour venir prendre n’importe quelle nourriture et la filer à la première cage qui passe ! Surry avait déjà vu des gens pas très fute-fute dans le zoo ! Notamment un jour, cet homme qui avait très intelligemment tendu son hamburger aux kangourous. L’idée du siècle … Non mais franchement.

Surry entra dans la réserve et ne put s’empêcher de rire, dans un coin de la pièce étaient restés les quelques appareils de l’autre blond qui l’avait agressé ! Sur le moment, ça le faisait plutôt rire qu’enrager mais le simple fait d’imaginer que cette tronche de merlan frit se baladait encore dans le zoo … Surry ne savait pas trop ce qu’il ferait s’il le croisait ! Non, à vrai dire, il savait exactement. Son patron avait été clair : Encore une erreur de ce genre et bonjour la démission. Perdre son emploi, c’était intolérable pour lui alors non, il ne mettrait pas sa raclée à cet autre individu connecté à une autre planète, un endroit où tout le monde veut lui piquer son copain … Puis la porte claqua et Surry se redressa brusquement. Les traits de son visage se tirèrent tout d’un coup.

« Putain mais c’est une blague ! »

Surry n’avait pas pu s’en empêcher … Voir son tout récent ennemi entrer dans la réserve, ça le faisait mourir de rire et en même temps, ses poings se serraient déjà.

J'adorais aller au zoo. Ces endroits m'avaient toujours fasciné étant enfant, me demandant comment étaient les relations de voisinages entre les chimpanzés et les éléphants, ou bien si c'était vraiment un babouin qui baptisait les bébés lions. Cette admiration d'enfant s'était évaporée petit à petit. Non, les babouins n'étaient pas les sages-femmes de la savane et les chimpanzés ne parlaient pas l'éléphant. De cette admiration est née un léger sentiment de dégout. Ces animaux ne vivraient-ils pas mieux dans leur milieu naturel ? Il était indispensable que certaine espèce vive en captivité pour éviter leur extinction, c'est vrai, mais Samuel trouvait cela tellement paradoxal. L'humanité avait décimé une faune incroyable et faisait de son mieux pour recoller les pots cassés. On n'avait pas trouvé mieux que de créer des zoos et d'exposer les animaux des quatre coins du monde dans des enclos afin que des visiteurs éblouis leur jettent du pop corn à dix dollars le sachet. N'empêche, j'étais toujours de bonne humeur lorsque je me rendais au zoo de Perth.

Excepté aujourd'hui. Si j'étais venu aujourd'hui, c'était pour récupérer mon matériel. Il y a quelques jours, j'avais sauté sur une petite annonce qui recherchait un type capable de filmer et de monter un documentaire sur ses recherches. Sauf que rien ne s'est passé comme prévu. Les choses ne se passaient comme prévu et sur le million et demi d'habitants de Perth, j'étais tombé sur la personne qui s'amusait à draguer Camille. Surry. Son nom avait fait tilt dès qu'il se présenta à moi, mais ce n'est que quelques jours plus tard que je fis le rapprochement. Le lien était pourtant rapide à faire, il n'y avait pas des centaines de Surry à Perth. Je ne pus m'empêcher de lui demander s'il connaissait mon ami. Ma jalousie avait ensuite pris le dessus, bientôt suivi par mon impulsivité et mon énervement. Le couillon avait trouvé cela drôle et s'était mis à me rire au nez. J'avais vraiment merdé sur ce coup. En plus de louper l'occasion de monter un super film, une des caméras que j'avais emprunté à l'école était tombé dans un bassin d'eau. Douze mille dollars avaient coulé au milieu des otaries. Ces conneries coutaient la peau des fesses et je m'étais mis dans la merde. Le chèque de mes parents n'arriveraient pas avant la fin du moi et j'étais déjà fauché. J'avais dû payer l'entrée, bien que j'avais insisté auprès de l’hôtesse d'accueil sur le fait que je travaillais ici. La caissière avait sûrement une note accrochée sur sa fenêtre qui disait de ne laisser passer aucun O'Malley sans payer le prix fort.

J'étais tellement énervé que je ne m'étais même pas arrêter devant Joe le gorille, mon pote depuis que je l'avais filmé pour les besoins du documentaire. Je traversai le zoo, me frayant un chemin parmi la foule de touriste, en direction de la réserve de nourriture. J'y avais déposé le reste de mes affaires et n'avais eu le temps de les récupérer. Je passai devant des soigneurs qui me dévisagèrent. Je feignis de ne pas les avoir eu et parcourus les derniers mètres qui me séparaient encore de la réserve. La porte était entrouverte. Je la poussai et entrai à l'intérieur. Je n'eus même pas l'idée de retenir la porte afin qu'elle ne se referme pas derrière moi. J'étais en face de Surry et je ne m'y attendais pas du tout. Pour ne rien arranger, il se mit à éclater de rire. La porte claqua derrière moi.

« Putain mais c’est une blague ! » Je ne pus m'empêcher de penser la même chose. Son rire m'exaspérait au plus haut point et ne faisait que tendre davantage l'atmosphère. Je remarquai ses poings serrés et sa veine frontale qui commençait à apparaître. Je me contentai de me diriger vers mon matériel. « Détends-toi, je prends ce que j'ai laissé ici et je me tire » dis-je en posant un genou à terre devant la valise noire qui refermait ce que j'avais apporté pour filmer ses conneries de recherches. Je vérifiai que tout était à l'intérieur, voulant éviter d'oublier quelque chose et voulant m'assurer que rien ne manquait. Je me relevai et sans un regard pour Surry, je me dirigeai vers la porte. J'entourai de ma main libre la poignet et tirai. La porte résistait. Machinalement, j'essayai de pousser cette dernière qui ne cédait toujours pas. Je commençai à m'agacer lorsque je compris ce qu'il se passait. Je me retournai vers Surry. « Tu sais si on peut ouvrir cette porte de l'intérieur ? » me contentai-je de demander. Je me refusais de penser à l'idée que l'on puisse être coincé. Il avait sûrement une clef sur lui et allait ouvrir cette porte. Je m'en irai alors et ce serait la dernière fois que je verrais son visage.