Un long bâillement bruyant commença à percer la solitude ; reine de l’atmosphère. Il était quelle heure ? Qu'importe. Tu t'étais endormi dans le canapé, la télévision apparemment toujours allumée. Sans doute une série. L'été se finissait. Et tout ce que tu espérais, c'était prolonger cette belle saison en regardant des épisodes de série où l'été demeurait présent. Pourquoi ? Pourquoi se plonger dans les ténèbres ainsi ? L’automne, c’est le mal. L’hiver, ça rime avec enfer. Et bougonnant, tu venais juste de remarquer la présence de ta sœur ainée. Elle venait parfois vous rendre visite. En fin de semaine surtout. A cause de ses études. Un vendredi soir tout à fait banal en somme. Synonyme de dîner de famille. … Aka la grosse catastrophe. Les dîners de famille se finissaient toujours mal. Pleins de dégâts par-ci-par-là.

« Coucou toi ! … M’man et P’pa sont partis faire des courses pour ce soir … pour remplir le frigidaire et la semaine. »

Tu ne disais rien. Pa le fond de ta pensée en tout cas. Tu savais que cette peste de May faisait tout ce qui était en son pouvoir pour pourrir la vie de tout le monde … pour vider le réfrigérateur. En tout cas, cela permettait à ta mère d’acheter du café. Encore et encore. Soupirant, tu t’adressais à elle, toujours aussi curieux :

« Tu viens faire quoi ? … Parce qu’il n’y a personne en fait, à cette heure-là. »

Tu grognais. Une des choses que tu ne supportais pas, c'est qu'on mettent en valeur tes faiblesses. Ou plutôt TA faiblesse. Même pour plaisanter. Tu te détestais suffisamment assez pour ça. Pourquoi ta sœur ainée te le rappelait ? Tu te mettais à grogner encore plus lorsqu’elle te touchait les cheveux. Personne ne touche tes cheveux. Surtout avec la durée durant laquelle tu mets pour parfaitement les coiffer.

« Rooh, ça va hein ! C'est pas comme si en ce moment, on te voyait tout le temps. »

Heureusement, elle se rattrapait. Ça compensait. Te détendant, tu lui rendis un petit sourire. Les autres ? Où étaient-ils ? Tu n'en savais rien. Pour toi, la villa était un gigantesque labyrinthe lorsque tu te déviais de la trajectoire de ta chambre. Et comme cela faisait un moment que tu t'étais assoupi, tu ne savais rien du tout.

« Je ne sais pas où sont les autres. Sûrement partis se promener ... Eagle va bien sinon ? Il est avec toi ou pas ? »

Certes, ta relation avec ton deuxième frère ainé était assez complexe. Tu ne savais pas pourquoi il ne t'aimait pas. Qu'est-ce que tu lui avais fait ? Rien. Seulement, tu espérais que peut-être avec le temps, tout cela s'apaiserait.

« Oooh ... Un épisode de Ugly Betty. Maman m'a acheté la saison trois alors j'en profite. Enfin, quand je dis "un épisode" ... c'était un quart d'épisode. Tes cours se sont bien passés ? »

Eagle. Eagle. Ou le mal-aimé de la famille. Ou l'exclu. Ou l'indésirable. Les étiquettes se faisaient grandes et larges pour lui. Tu ne le tolérais guère. Tu ne comprenais surtout pas pourquoi il trouvait à un malin plaisir à te frapper dès que tu t’endormais. Comme si c'était de ta faute ! Souriant bêtement, tu réponds à ta sœur chaleureusement avec une pointe de malice. « Au moins, il nous emmerdera pas. Enfin, M'emmerdera pas ! »

Les cours. Est-ce que c'était bien ? Pour toi ? Boarf. Tu adorais le week-end. Au moins, tu pouvais dormir en paix, sans que personne vienne te dire qu'il était temps de te réveiller. Tu faisais immédiatement une mise consternée lorsque ta grande soeur te demandait comment s'était passé ta journée. « Boarf, toujours la même rengaine, le prof qui me réveille pour me dire que le cours théorique est terminé ... Je te jure, ça me gonfle ! »

Tu te levais, signe que c'était l'heure de mettre la table. Et oui, à toi de t'occuper des corvées le vendredi soir. Sortant les divers couverts et assiettes, tu soupirais longuement. En fait, tu en avais marre. Et tu n'allais pas tarder à craquer. Te retournant pour faire face à ta sœur ainée.

« Tu sais ... parfois, j'aurai envie de tout foutre en l'air. Parce que j'en peux plus ... »